MA間. Après le silence…

MA[1]

 Antonio Navarro

Après le silence, l’esprit du vide s’est installé ; il a toujours été présent dans ma vie, mais je ne savais pas le voir, lorsque la création des éléments graphiques a pris forme, dans la série Silence, je me suis laissé habiter. Les pièces, présentées à Santamaca, à La Barbera, à la Chapelle de la Convalescence umu ainsi que dans la salle des expositions temporaires du Mace, m’ont donné les clefs pour comprendre ce qui était venu habiter la gravure.

Caché parmi les lignes, les fils et les  morceaux de charbon, entre silences et murmures, le vide a empli les lieux, les bruits et l’odeur du bois brûlé ; La cendre qui colle à la peau m’a imprégné, de telle sorte que mes mains se sont confondues à celles de mes ancêtres des grottes de Tito Bustillo, Altamira ou Lascaux… Toutes ces mains qui ont couvert les parois de figures vivantes nées du miroitement de petites lueurs qui éclairaient l’espace le plus reculé de la grotte et où les ombres mettaient encore plus en évidence le mystère de la création. Pour moi ce sont les ombres nées de la lumière qui  font que la création naissante communie avec le tout, l’esprit du vide et le silence.

Je prends conscience que j’ai vieilli, que je suis vieux de toute cette vie déjà accomplie et que je porte en moi l’héritage que m’ont légué mes ancêtres venus rejoindre les ombres que produisent chacune des pièces de l’assemblage. J’ai découvert ce secret que les japonais appellent MA 間 . Il est impossible pour nous occidentaux de nommer ce concept en un seul mot, en une seule syllabe.

Alors que je travaillais dans le silence, j’ai ressenti le moment où le bruit devait apparaître. Certains des éléments avec lesquels je travaillais ont bougé en un certain mouvement , faisant naître en moi une tranquillité qui a aboli tout bruit.

L’esprit du vide est à la fois espace et vide, tout et néant, des mots qui depuis fort longtemps peuplent mes paysages spirituels [2], venus de la tradition picturale orientale où la référence première à l’Esprit, à  l’Être est loin de toute représentation figurative. L’espace se représente et me représente ; sur ce chemin espace-temps , il est nécessaire de mesurer ses pas, d’observer la lumière,  les ombres et les angles afin  de faire naître cette communion, ce moment précis où soudain rien n’existe , tout existe.[3]

Pour ce nouveau projet de chalcographie, peuvent être vus des gravures de carbone, des espaces graphiques ainsi que des gravures « sonores ».

Traduction Ghislaine Lejard


(1) Le  MA 間 ne peut être compris en dehors de son contexte car ce sont les éléments qui nous entourent qui délimitent l’espace du vide. La compréhension de l’esprit du vide permet de prendre conscience simultanément de la forme et du fond d’une création artistique,  comme le permettent les espaces blancs dans les peintures japonaises , les pauses dramatiques des acteurs du théâtre Nô, les silences présents dans les films du réalisateur Yasujirō Ozu , ou en musique les silences ou pauses entre les notes.

[2] Cheng, François.  Cinq mé

ditations sur le beauté. Siruela.

[3] Barrico, Alessandro. Océano Mar.


©antonionavarro ©lacalcografia

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